Gloire à George Pau-Langevin !
Vous connaissez, bien sûr, George Pau-Langevin. Moi non plus.
Elle est depuis un an ministre déléguée auprès de Vincent Peillon, chargée de la Réussite éducative. Et les résultats ne se sont pas fait attendre. Son bilan sonne comme un bulletin d'Austerlitz de l'école française. Quatre-vingt-six pour cent d'admis au baccalauréat cette année, en progression de 2,4 % par rapport à l'an dernier. Avec plus de la moitié de mentions ! Les mentions «très bien» passées de 2 % en 2000 à 9 % aujourd'hui !
Ce n'est pas seulement un «bon millésime», comme disent les journalistes en mal de métaphores ; c'est une véritable mutation génétique, et il faut s'attendre à voir les Pascal, les Fermat, les Pasteur, les Curie proliférer dans les prochaines années. Quand on se plaint de l'insuffisance des résultats de François Hollande au cours de l'année écoulée, on devrait tout de même ne pas oublier la marche triomphale de notre baccalauréat. Et dire qu'il existe dans les instances internationales, et même, Dieu me pardonne, dans les colonnes de ce journal, des pisse-froid pour se lamenter de l'effondrement des connaissances des élèves en français, en mathématiques, en histoire, en langues vivantes ! Des aigris. De mauvais citoyens. Voyez encore Luc Ferry, qui prétend que, pour ne pas avoir le bac, il faut désormais en faire la demande...
Trêve de plaisanterie. Vous comprenez bien que, dans un pays où l'illettrisme progresse à grandes enjambées, où les employeurs se plaignent du nombre croissant de collaborateurs incapables d'écrire quatre lignes sans fautes d'orthographe, ou de lire et comprendre un texte simple de 15 lignes, et que simultanément nous voguons avec allégresse vers l'horizon idéal de 100 % de reçus au baccalauréat, il faut conclure que ce pays marche sur la tête. Ajoutez que, pour parvenir à ce résultat tautologique, on perd, au bas mot, un mois d'enseignement sur une année déjà trop courte, on mobilise une machinerie compliquée, pour permettre, comme les Aztèques, au soleil de se lever tous les matins ; et l'on entoure les fameux sujets du bac d'un luxe de protections digne des plus grands secrets nucléaires. Insensiblement, le pays de Descartes est devenu celui de la pensée magique, et cela avec la complicité tacite du gouvernement, de l'administration, des profs, des parents d'élèves et des élèves eux-mêmes. François Hollande voulait réenchanter le rêve français. C'est réussi, sauf que le problème serait plutôt de désenchanter les rêveries françaises. Parce qu'il est d'actualité, et qu'il touche chacun d'entre nous, j'ai pris l'exemple du baccalauréat pour illustrer la propension croissante des Français à se raconter des histoires et à vivre dans le mensonge.
Article emprunté à Jacques Julliard. Merci.